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Eglise protestante de Genève

Échange avec Laurence Mottier

Un mois tout juste avant la fin de sa modérature de la Compagnie des pasteurs et des diacres, le 21 juin prochain, Laurence Mottier a partagé avec nous son bilan, les dossiers et souvenirs qui l’ont marquée et son espoir quant à l’avenir de l’Église.

En février 2021, vous avez été élue modératrice de la Compagnie. Quel avait été votre parcours jusque là et qu’est-ce qui vous a motivée à vous présenter à ce poste ?

J’ai tout d’abord exercé comme pasteure « généraliste » en paroisse ; puis, auprès des personnes en situation de handicaps et de leurs proches. Après quelques années, j’ai eu envie d’étoffer mes compétences en me formant au métier de formatrice d’adultes. Parallèlement à cela, cela faisait douze ans que je faisais partie du Conseil de la Compagnie.

Il y a trois ans, j’ai senti que j’avais la confiance de la Compagnie pour me présenter à l’élection, aux côtés de plusieurs autres collègues, et j’avais envie d’assurer cette tâche. Je percevais – et perçois encore – cette mission dans la continuité de ma formation à œuvrer au soutien de la vocation des ministres et de leur ministère au service de l’Évangile.

Quels étaient vos objectifs en tant que modératrice ?

Je suis entrée en poste après la crise majeure que l’Église a connu en 2019-2020 et qui a nécessité de grands remaniements. Mon souci était de retisser les liens de confiance, d’être à l’écoute de l’Église au sens large – y compris des opinions parfois divergentes – et de lui faire retrouver une forme d’unité et le plaisir d’être ensemble. 

Quel bilan tirez-vous aujourd’hui de vos trois années de mandat ?

De la joie avant toute chose. La joie d’avoir eu cette tâche de veiller au dialogue et à l’unité. La joie des échanges et des rencontres à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église. La joie d’être au service de Dieu et du Christ. 

J’en tire aussi des enseignements. 

La polémique suscitée par le lancement d’une réflexion sur la question de la justice sous le volet du genre m’a surprise et quelque peu désarçonnée. Elle m’a toutefois permis de prendre la mesure d’opinions divergentes et assez tranchées et de m’interroger sur la manière de débattre sans juger, en prenant soin d’écouter les avis opposés, ensemble, en Église. Elle m’a aussi permis de prendre en compte la dimension intergénérationnelle, de l’importance de créer des ponts entre jeunes et anciens pour échanger sur ce qui signifie être croyant aujourd’hui. 

Paradoxalement, à force d’écouter, de négocier, on prend le risque de neutraliser des initiatives, de couper des élans et de faire de la foi quelque chose d’immuable et d’intouchable. Or, la foi n’est pas figée. Elle est en mouvement ; elle évolue et se développe ; elle se transforme continuellement. À nous de savoir répondre et conduire tous ces mouvements, sans les étouffer.

Quels souvenirs particuliers garderez-vous de votre modérature ?

Je pense à la prière pour la paix qui s’est déroulé quelques jours après les événements du 7 octobre l’année dernière. Initialement, nous avions prévu ce moment avec les membres de la Plateforme interreligieuse à l’occasion de la cérémonie en mémoire de la Réformation. Avoir pu maintenir et partager ce moment de prière interreligieuse pour la paix dans le contexte de cette crise restera un souvenir marquant pour moi. 

Je pense aussi à la consécration des nouveaux collègues dans les robes d’Albertine. C’était une manière de faire entrer l’art et un regard différent dans notre foi. Et je suis toujours extrêmement touchée de voir les vocations et l’engagement de jeunes ministres. Cela montre que Dieu construit continuellement son Église, que son Souffle agite en nous, que notre Église est vivante parce qu’Il agit parmi nous. 

Enfin, je repense à la visibilité donnée aux femmes de la Réforme, de l’histoire et à celles d’aujourd’hui. De manière générale dans ma foi, j’ai essayé de leur donner une voix et des visages pour montrer leur apport dans l’Église et dans la foi. 

Quel conseil ou recommandation adressez-vous à votre successeur, Alexandre Winter ?

Je lui souhaite de déployer tous ses talents, ses inspirations théologiques et spirituelles comme modérateur, d’investir cette fonction de sa personne, tout en veillant à maintenir une saine distance pour ne pas se laisser totalement absorber. La modérature comporte une charge morale qu’on ne peut pas anticiper mais il pourra compter, s’il le souhaite, sur le soutien des autres, notamment du Conseil de Modérature. L’aide de mes prédécesseurs ainsi que celle des sœurs de la communauté de Grandchamp m’ont été précieuses pour garder un regard réflexif et enraciné spirituellement. Dans cette charge, le discernement spirituel est essentiel pour ne pas perdre sa connexion à soi et à Dieu. 

Comment voyez-vous l’avenir de l’Église ? Qu’espérez-vous ?

Le mot qui me vient à l’esprit est « intergénérationnel ». Il faut se diriger vers un horizon inclusif, où toutes les générations et toutes les sensibilités, notamment les personnes LGBTIQ+, puissent donner de la voix et trouver une place, leur place. Il faut que les capacités de dialogue soient renforcées et cultivées pour qu’on arrive à dire : « L’EPG, c’est nous tous, ensemble. » J’espère que la confiance prédominera sur les peurs, les réticences et les crispations et que le visage de l’Église dans 5-10 ans sera porteur de cette diversité.

On le sait : le nombre de protestant.es réformé.es diminue, comme celui des ministres, et nous allons devoir alléger nos structures et nos procédures. Il faut que ce changement soit vécu non comme des pertes irrémédiables mais comme un nouvel élan, une opportunité de se rassembler. 

Dernière question, quel est votre avenir à vous ? Quels sont vos projets ?

J’ai la chance d’avoir pu placer mon congé sabbatique à la suite de ce mandat et je l’emploierai à commencer un diplôme de spécialisation en théologie sur la Shoah et l’antijudaïsme dans le christianisme, un sujet qui me tient particulièrement à cœur comme enseignante à l’AOT. Puis, comme je m’épanouis dans le travail communautaire et me définis comme une pasteure de communauté, je reviendrai au service de l’Église en fonction des postes ouverts. Je rejoindrai notamment le Conseil de Modérature et resterai à l’écoute de tous mes collègues