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Eglise protestante de Genève
Bible ouverte

Christ est vivant



Les témoins qui attestent que Christ est vivant, on ne les croit pas.

Sur ce point l’Évangile est simple. Et sur ce point toujours, rien n’a changé, 2000 ans après : que ce soit une voix de femme ou d’homme n’est pas déterminant ; on n’y croit pas.

Et je vais même vous confier un secret : en Église non plus on n’y croit pas. La plupart du temps. Et on réagit – en fait – exactement comme ces saintes femmes venues dès l’aube, au tombeau, par amour pour leur Maître de vie ; Jésus : on a peur.

La première raison est une malheureuse – voire une erreur de vocabulaire : parce que dans les Évangiles, quand il est question de croire, cela ne veut pas dire « oui… bon… alors, d’accord : j’ai bien réfléchi, j’ai pesé le pour et le contre, et je veux bien croire ce que tu me dis ! ».

Ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit – mais de donner sa confiance.

Et nous pouvons reprendre ce matin cet exemple déjà évoqué ici : peu importe, que vous « compreniez » le banc sur lequel vous êtes assis ; peu importe que vous soyez « d’accord » ou non avec la manière dont il a été construit, peint, et disposé : je vous assure que si vous n’aviez pas confiance que vous pouvez, de tout votre poids, vous appuyer dessus… et bien : vous auriez de sacrées crampes, à continuer de faire semblant d’être assis sur ce banc, sans oser vous abandonner vraiment pour y trouver une assise.

« Croire » en la Résurrection, c’est pareil : au fond, la seule chose qui compte est, pour chacune et chacun de nous, dans la réalité de nos vies : « vas-tu consentir à t’appuyer sur la Résurrection ? À te laisser conduire… transporter… relever… consoler… vivifier au-delà, précisément, de ce que tu crois ou ne crois pas ?

Car le récit des Évangiles nous donne – au moins – deux signes très sûrs que la Résurrection est réelle :

1) d’abord le fait que son vrai point de départ est une catastrophe.

On aurait bien raison de se méfier d’un Christ « super héros », qui gagne contre tous, et au fond, qui s’en sort toujours. Il faudrait être aveugle et sourd, en ces jours de Semaine Sainte, où l’on fait mémoire de toutes les tortures que le Christ a enduré, pour ne pas saisir que Pâques commence comme l’histoire d’une monumentale défaite.

Et cela, non seulement rend le témoignage digne de foi, mais surtout nous rejoint dans toutes nos catastrophes, qu’elles soient personnelles ou collectives.

Pâques, c’est d’abord et avant tout un chemin radicalement inattendu ; un chemin qui s’ouvre alors même que « tout est foutu ».

C’est celui de ces tout premiers témoins qui ne comprennent pas ce qui se passe… qui ont peur… et qui partent en courant… mais qui sont déjà animés d’un feu qui sera communicatif… même si de nombreuses réactions ont de quoi refroidir.

D’ailleurs, souvenons-nous aussi ce matin que la foi en le Christ Vivant ne serait pas non plus venue jusqu’à nous sans cette « nuée de témoins » (cf. Hb 12,1) qui ont payé de leur propre vie leur confiance à toute épreuve, c’est le cas de le dire.

Comme la foi de notre temps est faible, en comparaison. C’est la moindre humilité que de le reconnaître.

2) Mais là se trouve justement le deuxième signe très sûr que la Résurrection est réelle : le fait que, nous aussi, nous avons peur.

D’ailleurs : n’avons-nous pas peur de tout ce dont nous parle le Christ ?

– Peur de pratiquer sa Parole – pas seulement de l’écouter, mais de faire confiance  à cette Parole qui est pourtant infiniment plus solide, fiable et durable que ces bancs.
– Peur de « pratiquer les commandements », donc.
– Nous avons peur de suivre le Christ là où il nous conduit…Et nous pourrions nous dire : « Forcément ! ». Parce qu’il nous a prévenus très clairement : on ne peut pas le suivre sans passer par… la Croix.

Est-ce que nous pouvons simplement reconnaître que cela nous fait peur ?

– Ne pas juger les autres, ne pas les condamner en fonction de nos propres jugements, comme Jésus l’enseigne, c’est la Croix.
– Renoncer à son bon droit ; se laisser dépouiller, c’est la Croix.
– Ne pas chercher à se justifier, à avoir raison, à gagner dans un conflit, c’est la Croix.
– Ne pas rendre le mal pour le mal, c’est la Croix.
– Ne pas – même – dire du mal…, c’est la Croix.
– Faire du bien à ceux qui nous traitent mal, ou pour le moins prier pour eux, c’est la Croix.
– Pardonner… et même, prier vraiment « toute la prière du Notre Père », demander vraiment ce que cette prière demande, c’est la Croix.

C’est la Croix déjà vécue intérieurement à Gethsemani par Jésus.

Évidemment qu’on a peur !

Et si nous poursuivons sur ce chemin d’honnêteté, peut-être que nous pourrions reconnaître aussi que nous n’avons pas seulement peur de ce qui nous demande de mourir à nos vieux réflexes… nous avons peur aussi de nous lancer avec confiance vers l’inconnu d’une manière de vivre totalement différente.

Nous avons peur de tout ce qui échappe à notre volonté de maîtrise. Nous avons donc peur à la fois de la mort et du Relèvement de la mort.

Et c’est exactement là que Pâques nous attend !

Avec ce chemin vraiment mystérieux qui nous conduit à dire oui au fait que la vie nous dépasse infiniment.

Quelle que soit la durée de notre vie, ou ses accidents de parcours, la Résurrection dépasse totalement nos pensées ou nos calculs personnels ; elle dépasse toute évaluation que nous pourrions faire de notre propre vie.

C’est cela, en fait, que la Croix du Christ nous enseigne : c’est pour cela qu’elle ne représente plus seulement un outil de mise à mort horrible, et qu’elle est devenue, dans la foi, le symbole d’une vie qui jaillit dans la mort elle-même ; dans tout deuil, dans toute perte…

Une Croix qui rayonne intérieurement de vie infinie.

À sa manière, cette Croix nous rappelle qu’en Christ, Dieu est venu remplacer les guerres menées au-dehors par un combat auquel consentir au-dedans : ce ne sont plus des humains que nous avons à « clouer vivants sur des croix » quelle que soit la manière de le faire, même symboliquement ! – mais c’est le mal lui-même. En persévérant dans l’Amour évangélique des autres, même et y compris de ceux qui nous traitent mal.

C’est ça, le bouleversement complet de Pâques. Incarné dans des comportements réels. Comme l’a formulé Saint Augustin, au 4e siècle : « Haïr le mal – mais aimer l’humain, toujours ».

C’est ça le bouleversement vécu par Shaoul, ce religieux intégriste violent  touché par la grâce de Pâques, touché par le Christ Ressuscité, et qui deviendra Saint Paul, Apôtre de l’Évangile non-violent, qui est mort en offrant son cou au glaive qui scellait son témoignage par le martyre ; un mot qui veut dire, précisément, témoignage jusqu’au bout.

Saint Paul qui nous dit dans sa 1ère Lettre aux chrétiens de Corinthe : « Si Christ n’a pas été relevé de la mort, notre message est vide. Et votre foi aussi est vide ! » (1 Co 15,14).

Et effectivement, pensons à nos propres vies : quel horizon terrible, si nous ne gardons que « les croix » que nous avons endurées, et restons fermés à la vie nouvelle que Dieu peut faire jaillir de toutes les défaites.

« Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! »

C’est une grâce gratuite, une grâce pour toute l’humanité, on l’a dit ; mais il y a donc quelque chose, tout de même, qui dépend de nous.

Et les témoins qui nous ont précédés, depuis deux millénaires, sur ce chemin d’accueil de la Résurrection, dans nos propres vies, nous enseignent que c’est la persévérance. Selon la Parole de Jésus : « Ceux qui persévéreront jusqu’au bout – dans la foi en Dieu – seront sauvés » (Mt 24,13).

C’est ce que nous rapporte de façon magnifique l’un des « piliers de l’Eglise » universelle : Saint Grégoire le Grand, un témoin du 6ème siècle, ici en Occident, qui prend pour exemple Marie de Magdala, la première à avoir rencontré le Christ ressuscité, dans l’Évangile de Jean.

Il écrit : « Quand les disciples eux-mêmes quittaient le tombeau du Christ, elle ne le quitta pas ; Celui qu’elle n’avait pas trouvé (dans la tombe), elle ne renonçait pas à le chercher ; en cherchant, elle pleurait, et le feu de son amour rendait plus vif l’ardent désir du Seigneur disparu. Si elle fut alors seule à le voir, c’est qu’elle avait persévéré à le chercher. Car c’est de la persévérance que toute bonne action tire sa force. D’abord elle chercha et ne trouva pas. Mais elle s’obstina dans sa recherche, et c’est pourquoi elle trouva… » (Homélie 25 sur les Évangiles).

Nous recevons ici de la bouche de Saint Grégoire l’enseignement même du Christ : « Cherchez, et vous trouverez ».

Sachant que cette recherche a sa source dans les tréfonds de notre cœur ; dans notre vie de prière ; dans ce que nous déposons aux pieds du Christ, jusque dans les larmes… comme Marie de Magdala.

« Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! »

À nous de le chercher, activement, par nos comportements.

Amen