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Eglise protestante de Genève
Bible ouverte

Les Rois mages

Prédication de la pasteure Laurence Mottier sur Matthieu 2,1-20.


Matthieu 2,1-20

1 Jésus étant né à Bethléhem en Judée, au temps du roi Hérode, voici des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem,

et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l’adorer.

3 Le roi Hérode, ayant appris cela, fut troublé, et tout Jérusalem avec lui.

4 Il assembla tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, et il s’informa auprès d’eux où devait naître le Christ.

Ils lui dirent : À Bethléhem en Judée ; car voici ce qui a été écrit par le prophète :

6 Et toi, Bethléhem, terre de Juda, Tu n’es certes pas la moindre entre les principales villes de Juda, Car de toi sortira un chef Qui paîtra Israël, mon peuple.

7 Alors Hérode fit appeler en secret les mages, et s’enquit soigneusement auprès d’eux depuis combien de temps l’étoile brillait.

8 Puis il les envoya à Bethléhem, en disant : Allez, et prenez des informations exactes sur le petit enfant ; quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille aussi moi-même l’adorer.

Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue en Orient marchait devant eux jusqu’à ce qu’étant arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s’arrêta.

10 Quand ils aperçurent l’étoile, ils furent saisis d’une très grande joie.

11 Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

12 Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

13 Lorsqu’ils furent partis, voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, et dit : Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, fuis en Égypte, et restes-y jusqu’à ce que je te parle ; car Hérode cherchera le petit enfant pour le faire périr.

14 Joseph se leva, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Égypte.

15 Il y resta jusqu’à la mort d’Hérode, afin que s’accomplît ce que le Seigneur avait annoncé par le prophète : J’ai appelé mon fils hors d’Égypte.

16 Alors Hérode, voyant qu’il avait été joué par les mages, se mit dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléhem et dans tout son territoire, selon la date dont il s’était soigneusement enquis auprès des mages.

17 Alors s’accomplit ce qui avait été annoncé par Jérémie, le prophète :

18 On a entendu des cris à Rama, Des pleurs et de grandes lamentations : Rachel pleure ses enfants, Et n’a pas voulu être consolée, Parce qu’ils ne sont plus.

19 Quand Hérode fut mort, voici, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph, en Égypte,

20 et dit: Lève-toi, prends le petit enfant et sa mère, et va dans le pays d’Israël, car ceux qui en voulaient à la vie du petit enfant sont morts.


Prédication – Les Rois mages

Que nous raconte cette histoire de l’Évangile de Matthieu?

D’un côté il y a un roi sanguinaire à la pensée tordue, avec sa soldatesque aux bras meurtriers.

De l’autre, des mages astronomes venus du lointain Orient, armés de la sagesse seule et de cadeaux d’offrande pour un nouveau roi.

D’un côté, un pouvoir imbu de lui-même, qui ne veille qu’à garder son pouvoir et ses prérogatives, sur la terre, au mépris de la vie du plus grand nombre.

De l’autre, un savoir de passage, inscrit dans les étoiles et dans une fragile transhumance, au service de la nouveauté, de l’insoupçonné : un nouveau roi.

Un roi bien assis sur son trône, sourd à tout ce qui pourrait le remettre en question versus des mages, décrétés Rois par la sagesse populaire, à l’écoute d’un appel d’en haut, reçu du plus loin qu’eux-mêmes et qui les mène vers un inattendu.

L’installation versus la traversée.

La répétition du même, de ce qui est toujours prévisible, la loi du plus fort, du langage des armes, versus l’advenue de la nouveauté, le commencement d’une nouvelle ère, dans la révélation de l’autre, aux mains nues, désarmées.

Le contrôle versus l’inédit.

Et au milieu, il y a des femmes, des hommes et des enfants, un peuple, une population, les civils comme on les appelle aujourd’hui, qui se trouvent pris en otage par ces jeux de pouvoir et de domination.

Si la naissance de Jésus a été une bonne nouvelle pour les bergers, elle va enclencher un massacre des bébés garçons de Bethléem et des environs, brisant et décimant des familles et faisant se lever des plaintes et des hurlements de douleurs, à l’image de Rachel, la matriarche, qui ne veut pas être consolée.

Il n’y a pas de consolation facile face au massacre de vies humaines, commandité par la convoitise et la peur des puissants.  Il n’y a pas de réparation facile devant l’écrasement de vies humaines, de la vie, du vivant.  Non. Et il y a une plainte sans fin, répercutée dans les allées de l’Histoire.

Et il y a la fuite, sur les routes et dans les champs,  de familles, de survivants, qui vont chercher refuge ailleurs, plus loin. Et il y a Joseph, Marie et l’enfant Jésus, à peine né, qui prennent le chemin de l’exil au milieu des autres familles.

N’entendez-vous pas un écho de cette histoire dans notre actualité ? Le cynisme de puissants qui entrainent la mort de leur population, de tant de femmes d’hommes et d’enfants ? Les longues colonnes de personnes cherchant refuge, au péril de leur vie, et au milieu des destructions ?

La lutte entre ces deux logiques semble très inégale. La voix du roi Hérode semble prédominer sur celle des Rois mages. La force armée semble gagner sur la discrétion de l’ange qui protège et qui guide. La répétition des mêmes horreurs a de quoi nous décourager.

Où est la Bonne Nouvelle ?

Notre Dieu n’est pas du côté des puissants et avec la venue de son Fils, Jésus, il emprunte le chemin des populations menacées et vulnérables.  Il n’est pas du côté des puissants de ce monde, et ça c’est une bonne nouvelle.

Notre Dieu n’a rien d’un potentat, d’un dominant qui chercherait à asseoir son pouvoir en face des autres dominants, en déclenchant un feu de terreur. Notre Dieu ne déclenche pas de guerres, et ça c’est une bonne nouvelle.

Notre Dieu choisit un autre terrain, celui d’une famille modeste, perdue dans la masse des pauvres, des petits, des sans-grades. Et ce choix préférentiel pour le commun, pour le plus grand nombre vient subvertir la logique de la raison d’État et de la loi des gros bras, des forts en gueule et des têtes de liste.  Notre Dieu est du côté de la vie humaine, de chaque vie humaine, qui est précieuse, qui est à sauvegarder et à protéger. Et ça, c’est une bonne nouvelle.

Avec le Dieu de Jésus Christ, il n’y a aucune justification possible au recours à la violence, à une guerre qui pourrait sembler juste, à la fin qui pourrait justifier les moyens.

Il frappe de nullité nos logiques de pouvoir et de prédominance, en venant tel un petit enfant sans titre ni garde armée pour faire voir qui il est vraiment, en vérité.

Qui est-il ?

L’un d’entre nous, un parmi les autres. Un Dieu incarné, à visage humain, à hauteur d’un homme simple, d’un simple homme, un homme nu, sans atours, dénudé, sans armure, une personne qui va tête nue et cœur au large. Notre Dieu ne fait pas semblant, il ne joue pas un rôle, il ne se joue pas de nous. Il est là, avec nous, vraiment, en vérité. Et ça c’est une bonne nouvelle.

Les moyens de  notre Dieu :
– une famille humaine, un père et une mère ;
– un bébé, promesse d’une vie nouvelle ;
– un ange à la voix discrète ;
– des Rois mages qui retournent par un autre chemin.

Les moyens de notre Dieu : ce sont des détours et des méandres dans la nuit du monde pour préserver la vie, pour sauver la vie. Contourner la folie destructrice par de simples moyens humains, de résistance, de constance, de courage.

Les moyens de notre Dieu : ce sont des instants de grâce, au cœur de la nuit du monde, alors que les mages, ces savants orientaux, babyloniens ? iraniens ? s’agenouillent devant ce nouveau-né de Bethléem et le reconnaissent comme roi.  Leurs cadeaux ne sont pas allés au roi – légitime selon la loi romaine – Hérode, dans son palais, assis sur sa propre justice, aimant être flatté et honoré ; leurs cadeaux – or, myrrhe et encens – vont à ce petit-enfant, sans éclat apparent, mais dont l’étoile brille au firmament et qu’ils ont bien vue indiquer une direction, une destination.  Ces savants ont eu le courage de suivre leur science et d’honorer ce qu’ils avaient compris dans les étoiles ; ils ne sont pas agenouillés devant la puissance d’un puissant, même très colérique et tyrannique ; ils ont été au bout de leur quête, fidèlement, courageusement, sans se tromper eux-mêmes ni falsifier leur découverte. Pas de fakenews chez les Rois mages, ça c’est une très bonne nouvelle.

Ce sont eux les étrangers qui ont reconnu les premiers la royauté du Fils de Dieu, en lui offrant leurs cadeaux. La vraie richesse ne vient pas de la puissance de domination, mais de la reconnaissance de signes spirituels qui donnent validité et valeur à une vie humaine, selon un plan divin qui échappe à nos logiques.  Se mettre au service de cette royauté, la royauté du Christ-Jésus, c’est la vraie richesse et c’est une bonne nouvelle pour toute l’humanité.

Les moyens de notre Dieu : c’est de nous faire lever les yeux au ciel, d’élever nos esprits, de redresser nos vies, de chercher l’inspiration d’en haut,  au-dessus des contingences et des troubles de notre actualité, de notre réalité, souvent calamiteuse ; c’est de nous inviter à chercher son visage, sa présence dans les signes des temps et de ne pas lâcher cette quête; non pas en restant à ras terre, à faire du rase motte mais en donnant place à l’appel du Souffle, qui nous ouvre l’infini du Ciel : voir grand, voir au-delà pour mieux cheminer sur la terre.

Trouvez-vous que c’est une assez Bonne Nouvelle pour entrer dans cette Nouvelle Année 2024 ?

Lors d’une retraite que j’ai vécue à la communauté des sœurs de Grandchamp, j’ai expérimenté la prière du cœur, la philocalie ou la prière contemplative en prononçant le nom de Jésus, silencieusement en moi. Ce nom : Jésus, Iéshoua, Dieu sauve.

Non pas comme un nom magique qui me préserverait de tout mal par une répétition mécanique et un peu bête. Mais dire ce Nom, comme une relation intime à un être aimé, qui compte et sur lequel je peux compter, en toutes circonstances. Un Nom que j’appelle et qui m’appelle. Un Nom qui vient s’ancrer au plus profond de l’être, de mon être.

J’ai pu expérimenter une fécondité dans cette prière du cœur.

Dieu sauve ; ça veut dire que ce n’est pas moi qui sauve, ce n’est pas à moi de porter tout le malheur, toutes les détresses, car lui s’en charge. Ce n’est pas un autre, une idéologie, une science, un puissant, un arsenal militaire qui peuvent nous sauver.  Ce n’est pas nous qui allons sauver notre Église, par un management particulier, une formule magique ou grâce à l’un ou l’autre d’entre nous. Christ seul est sauveur. Mon Sauveur et le Sauveur de toute l’humanité. Prendre la place du sauveur ne peut conduire qu’à des catastrophes, des emprises, des déviances, des violences. Une destruction de la vie.

Porter le nom de Jésus, c’est annoncer que seul Dieu sauve et dans notre monde peuplé de sauveurs surarmés et prêts à tout détruire, dans la foule des promesses de salut illusoires, fallacieuses et vite dépassées, c’est une force simple et subversive.

Porter le nom de Jésus, c’est laisser Dieu me sauver, c’est laisser Dieu être Dieu et cela me donne ma juste place, ma juste mesure d’être humain. Et c’est une libération pour être et agir.

Porter le Nom de Jésus, c’est se tenir du côté du plus grand nombre, de la solidarité avec tous et toutes, des foules humaines éreintées et en espérance, et refuser de céder aux sirènes de la puissance, du profit, de la gloire et de la domination, réservées à une élite enclose sur elle-même.

Alors, oui, chères frères et sœurs, je le crois, tenir les yeux ouverts vers le Ciel et s’ancrer au plus profond dans son Saint Nom Iéshoua, c’est une Bonne Nouvelle, suffisante pour avancer sur les chemins du monde, suffisante pour nous mener sur nos routes humaines et inhumaines et pour nous conduire à destination.

Amen