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Eglise protestante de Genève
Bible ouverte

La vérité

Prédication du pasteur Jean-Daniel Schneeberger sur Éphésiens 6:14 , l’Évangile de Jean 8:31-32 et 14:6-7.


Éphésiens 6. 14 : « Ayez la vérité comme ceinture autour de la taille. »

Évangile de Jean 8. 31-32 : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples. Et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera. »

Évangile de Jean 14. 6-7 : « Jésus dit : Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n’est par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Dès à présent vous le connaissez et vous l’avez vu. »


Prédication – La vérité

Pour parler de la vérité, pour montrer ce qu’elle est, l’apôtre Paul prend une image : la vérité est comme une ceinture que l’on porte autour de la taille. À son époque, on était revêtu de longues tuniques et la ceinture permettait à la personne qui la portait de ne pas se prendre les pieds dans le tissu et de ne pas trébucher. L’image est donc parlante : la vérité dont Paul parle est ce qui permet d’avancer librement, sans être gêné ou entravé. C’est certainement important de le rappeler, car nous pouvons souvent nous passer de ceinture à l’heure actuelle avec nos pantalons moulants et serrés autour de la taille.

Nous réalisons donc avec cette image de la ceinture que la vérité est source de liberté. Elle est tout le contraire d’un carcan dans lequel on s’enfermerait, en ayant des idées figées, des convictions inébranlables ou des certitudes absolues. La vérité chrétienne vient justement ébranler ceux et celles qui sont trop sûrs d’eux : sûrs de leur savoir scientifique ou cartésien, sûrs de leur opinion ou de leurs connaissances, sûrs des expériences acquises.

La vérité divine vient aussi secouer les croyants qui ont réponse à tout, qui n’ont pas de doute ou de remises en question.

Jésus lui-même fait un lien étroit entre la vérité et la liberté quand il déclare :     « … Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera. »

Frappant tout de même : Jésus ne dit pas « vous aurez la vérité » mais « vous connaîtrez la vérité ». La vérité n’est pas comme un objet que l’on possède et qui nous appartient. C’est quelque chose que l’on connaît, que l’on découvre, que l’on reçoit dans une relation. D’ailleurs le verbe « connaître » est utilisé parfois dans l’Écriture pour parler de la relation sexuelle dans un couple.

Connaître, c’est donc être en lien fort avec quelqu’un.  

Jésus parle donc de la vérité comme d’une réalité qui se découvre en tissant un lien de confiance et d’amour avec lui. Dans cette relation, Jésus précise que l’accueil de sa Parole est important. Il nous écoute et il nous appelle à l’écouter. Il nous parle et il nous demande de « demeurer dans sa Parole ». Cette parole, il faut donc la poursuivre, cheminer avec elle, l’aimer, la chérir, avoir à cœur de la comprendre, de la garder, y faire sa demeure, comme si on allait habiter en elle. Il s’agit vraiment de se laisser habiter par elle, dans la durée. Rien n’est jamais terminé quand nous désirons connaître la vérité : nous sommes en chemin dans un véritable dialogue, dans une profonde communion avec Jésus.

Il y a toujours quelque chose de nouveau à découvrir.

C’est pourquoi le Seigneur met aussi la vérité en parallèle avec l’image du chemin. Nous connaissons tous par cœur le célèbre verset entendu tout à l’heure : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ».

Dans la foi, nous ne sommes pas en lien avec quelqu’un qui est arrêté ou assis. Mais avec Jésus qui est le chemin. Ce qui veut dire : en déplacement, en route, en mouvement. Pas très confortable la foi chrétienne. Nous aimerions bien parfois qu’elle nous installe, qu’elle nous offre des sécurités absolues, voir même des certitudes. Mais non ! Avec Jésus, nous sommes en chemin, et la vérité qu’il nous communique accompagne cet élan et ce mouvement.

J’aime bien comparer la vérité chrétienne avec ces panneaux de signalisation que nous trouvons sur les chemins de randonnée. En Suisse, ils sont jaunes. Ils se trouvent le plus souvent à des intersections, ils indiquent une ou plusieurs destinations. Ils précisent même parfois, à l’aide d’une petite plaquette blanche où nous nous trouvons et à quelle altitude.

Ces panneaux ne sont pas là pour nous garder arrêtés. Il nous offre des repères importants pour continuer notre chemin et pour avancer. Dans le Psaume 25 au verset 4, nous découvrons cette prière : « Seigneur, fais-moi connaître tes chemins ; enseigne-moi tes routes ; guide-moi vers ta vérité ! ». Le mot « chemin » est au pluriel en hébreu. Dieu n’a donc pas un seul chemin ou une route à nous faire suivre pour marcher vers la vérité. Il y a une diversité de parcours possible pour la rejoindre, comme ces multiples itinéraires que nous pouvons choisir pour aller vers un endroit particulier. Il y a donc une diversité de chemin pour rejoindre la vérité. Mais il faut accepter pour cela de ne pas rester immobile, de se déplacer et d’être mouvement.

Les panneaux jaunes du tourisme pédestre ne sont pas tombés du ciel. Ils ont été placés par des personnes qui connaissent bien la topographie et le terrain. Ils ont souvent parcouru eux-mêmes les chemins et les sentiers, ils savent aussi que ces parcours ont été empruntés durant les siècles écoulés par des bergers, des éleveurs, des montagnards ou des villageois dans leur travail ou leur vie quotidienne. En marchant sur un sentier, en nous orientant à l’aide des panneaux jaunes, nous ne sommes pas tout seuls. Nous sommes précédés par de nombreuses personnes qui, d’une certaine manière, ont préparé ces chemins. C’est un peu comme si elles nous accompagnaient et nous permettaient d’avancer sur leurs traces.

De même, avec la vérité divine, nous ne sommes jamais seuls. Nous sommes précédés d’abord par Jésus, mais aussi par une multitude de croyants qui ont mis leur confiance en lui, qui ont cherché à mieux le connaître, qui ont prié, médité et approfondi sa parole. Ils ont laissé parfois des traces de cette quête en écrivant des pensées, des commentaires ou des livres. Être en chemin avec Jésus pour découvrir sa vérité nous met en lien avec ces personnes. Le problème, c’est que l’être humain a souvent l’impression que la recherche de la vérité tourne autour de sa petite personne.

Une image peut l’illustrer : il arrive parfois en marchant sur un quai au bord du lac d’être dépassé par une personne en roller ou en trottinette. Nous pouvons admirer son élégance et son habileté à se faufiler entre les passants, à se jouer des obstacles, à progresser avec légèreté et sûreté. Voilà une image de la liberté plutôt à la mode : éviter les autres, jouer avec les obstacles, pour poursuivre sa route en solitaire.

Bien souvent, dans notre société, c’est à une telle forme de liberté qu’on aspire. Une liberté en solitaire.

« La vérité vous rendra libres ! » nous dit encore Jésus dans l’Évangile. Cette liberté-là est d’un tout autre ordre. Dans le livre de Martin Luther qui s’intitule ‘De la liberté chrétienne’, nous trouvons cette pensée surprenante et décapante : « le chrétien », dit-il, « est l’être le plus libre, il est maître de toutes choses, il n’est assujetti, ni soumis à personne. Mais il est aussi, en toutes choses, le plus serviable des serviteurs, il est assujetti à tous ! ».

C’est vrai que Jésus nous entraîne sur des chemins où nous n’avons plus besoin que les autres pensent ou agissent à notre place. Nous pouvons être nous-mêmes, avoir confiance en nous-mêmes, avoir le courage de nos convictions, résister au conformisme, ne pas nous laisser dominer par le pouvoir des autres.

Mais pour être libre, il s’agit de subordonner sa vie à Jésus-Christ, de se confier en lui et en lui seul, qui nous révèle le Dieu de grâce et d’amour.

Le Seigneur vient alors placer des balises sur les chemins où nous sommes engagés. Des repères qui nous orientent et qui sont vraiment vérité.

Une collègue, Isabelle Ott-Baechler, propose une illustration qui m’a frappé : « C’est un peu comme dans mon jardin : il y a quelques jours, un géomètre est venu y planter un piquet joliment peint en rouge vif. Puis, il a dessiné, une marque de la même couleur sur le tronc du prunellier. Ensuite, il est venu m’expliquer : « Vous comprenez, le carrefour, à côté de chez vous, va être complètement modifié par des travaux, la configuration va changer, il nous faut un point de repère stable… d’où effectuer nos mesures. Tout va être bouleversé : sans ce piquet et cette marque rouge, nous serions dans l’impossibilité plus tard de nous repérer. »

Il arrive que nos existences soient modifiées de fond en comble, secouée comme un carrefour en chantier. Dieu veut être alors pour nous un repère, une signalisation, une indication d’itinéraire, une orientation, alors que les chemins s’embrouillent, alors que les sentiers se perdent dans le brouillard. Porter son attention en priorité sur ce repère, considérer d’abord cette référence ultime, s’arrêter et regarder les événements de ce point de vue unique :

Voilà qui est source de liberté !

La véritable liberté n’est donc pas de danser entre les obstacles et de choisir son propre itinéraire. La liberté nous demande d’être attentifs à la vérité, aux repères posés par Dieu lui-même, mais aussi par les autres, par ceux et celles qui ont empruntés avant nous le chemin de la liberté. Il me semble que souvent ces repères vont dans le sens du courage.

La vérité demande du courage. Ne pas fermer les yeux sur une injustice, mais défendre celui ou celle qui la subit. Oser dire à son supérieur ses limites dans son travail, pour ne pas sacrifier sa santé ou sa famille. Garder la foi dans la grâce et l’amour de Jésus-Christ, alors que tant de réalités cherchent à nous décourager de le faire. La vérité demande du courage. Puisse Jésus nous guider pour nous éclairer et nous aider à vivre ce qui est vrai.

Amen.