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Eglise protestante de Genève
Bible ouverte

D’Abram à aujourd’hui

Prédication sur le livre de la Genèse, du chapitre 11, verset 27 au chapitre 12, verset 5.

Le texte biblique ci-dessous est un texte central ; il fait partie de ces textes qui mettent en route les peuples, et pour Abram, qui le font partir de son lieu d’origine, de chez lui, pour un pays inconnu. Avec, à la clé, la promesse d’une grande descendance…

Ce texte va nous permettre d’explorer la question de l’obéissance à Dieu, et au-delà de ce terme, de la question de la promesse liée à l’obéissance.


27« Voici la postérité de Térach. Térach engendra Abram, Nachor et Haran. -Haran engendra Lot.

28Et Haran mourut en présence de Térach, son père, au pays de sa naissance, à Ur en Chaldée.

29 Abram et Nachor prirent des femmes: le nom de la femme d’Abram était Saraï, et le nom de la femme de Nachor était Milca, fille d’Haran, père de Milca et père de Jisca.

30 Saraï était stérile: elle n’avait point d’enfants.

31 Térach prit Abram, son fils, et Lot, fils d’Haran, fils de son fils, et Saraï, sa belle-fille, femme d’Abram, son fils. Ils sortirent ensemble d’Ur en Chaldée, pour aller au pays de Canaan. Ils vinrent jusqu’à Charan, et ils y habitèrent.

32 Les jours de Térach furent de deux cent cinq ans; et Térach mourut à Charan.

Chapitre 12


1L’Éternel dit à Abram: Va-t-en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai.

2Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction.

3Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi.

4Abram partit, comme l’Éternel le lui avait dit, et Lot partit avec lui. Abram était âgé de soixante-quinze ans, lorsqu’il sortit de Charan.

5Abram prit Saraï, sa femme, et Lot, fils de son frère, avec tous les biens qu’ils possédaient et les serviteurs qu’ils avaient acquis à Charan. Ils partirent pour aller dans le pays de Canaan, et ils arrivèrent au pays de Canaan.
»


Prédication – D’Abram à aujourd’hui

Ce récit est un récit charnière… Il fait la transition entre ce que l’on appelle les « récits des origines » (la création, le jardin d’Eden, la chute, le Déluge, la Tour de Babel, pour ne mentionner que les principaux), et les récits des patriarches, à savoir Abraham, Isaac et Jacob, puis Joseph.

On est donc à la charnière, parce que les récits des origines, même s’ils parlent de personnages précis, parlent de l’humanité et expliquent la situation des humains. Pensons à la chute, qui explique pourquoi l’homme et la femme subissent la condition humaine, ou à la tour de Babel qui explique pourquoi il y a différentes langues. À chaque fois, de longues généalogies entrecoupent ces récits, pour montrer que l’humanité fait partie intégrante de la création, qu’elle est voulue et aimée par Dieu. L’humanité se divise, l’humanité fait ce qui est mal, mais Dieu aime et fait grandir cette humanité… D’ailleurs, Abram s’inscrit dans cette généalogie, et le récit fait comme un focus, un gros plan, à un moment donné, sur un personnage : Abram.

Et dans la suite, tout le reste du livre de la Genèse, le récit va se développer autour des descendants d’Abram, donc du résultat de la promesse de Dieu faite à Abram au début de ce chapitre 12 : « Je ferai de toi une grande nation ». Si grande d’ailleurs que ses descendants seront esclaves en Égypte. Mais ça, c’est le livre de l’Exode, et c’est une autre histoire…

Revenons à nos versets. Si l’on met à part les versets où Dieu s’adresse à Abram directement, on a un récit continu du déplacement de la famille de Terah… :

31Tèrah prit son fils Abram, son petit-fils Loth, et sa bru Saraï, pour aller au pays de Canaan. Ils gagnèrent Harrân où ils habitèrent. 32Tèrah vécut deux cent cinq ans et il mourut à Harrân. […] Abram avait soixante-quinze ans quand il quitta Harrân. 5Il prit sa femme Saraï, son neveu Loth, tous les biens qu’ils avaient acquis et les êtres qu’ils entretenaient à Harrân. Ils partirent pour le pays de Canaan. (TOB)

Ce qui est intéressant, c’est qu’on ne sait pas pourquoi Terah se met en route, et pourquoi Abram poursuit le voyage commencé par son père. Mais la famille, qui, notons-le, s’enrichit au fur et à mesure du voyage, passe de Ur, en Chaldée, sur le mer en Mésopotamie du sud, à Canaan, le pays du peuple de Dieu. Abram apparait ainsi comme celui qui se met en route selon ce qui est prévu, obéissant au projet reçu pour sa famille…

Il y a donc cette obéissance d’Abram qui, de prime abord, semble être sans explications. Je me suis donc intéressé à cette obéissance. Que ce soit en français, en grec et en hébreu, et c’est assez rare pour le relever, le mot « obéissance » vient d’une racine « écouter ». Obéir, c’est tendre l’oreille, se mettre à l’écoute, avoir foi, et par extension croire… Il est donc aussi question de fiabilité quand on parle d’obéissance… Il y a quelque chose d’une écoute dans la soumission, et, vous me voyez venir, dans l’obéissance, il y a bien une dimension de foi.

Abram, c’est donc cet homme qui, à la suite de son père, et de ses ancêtres, se met en route selon un plan qui semble lui échapper… Mais une chose est importante dans le terme d’obéissance, c’est de bien garder à l’esprit que l’on obéit à une injonction que si elle nous semble bénéfique pour nous-mêmes et éventuellement les autres. Si ce n’est pas le cas, ce n’est plus de l’obéissance, c’est de la soumission, et en aucun cas cette notion est induite dans le terme d’obéissance…

Abram se met donc en route avec confiance, et une certaine obéissance, ce qui est un peu synonyme…

Mais maintenant, prenons ces versets centraux du début du chapitre 12, qui sont, pour les historiens du texte, d’un autre auteur que le reste du récit. En effet, une lecture critique du texte permet de distinguer plusieurs récits imbriqués, et la marque la plus flagrante est le fait que Dieu parle dans un des récits alors qu’il ne s’adresse pas à l’humain dans le récit plus ancien.

Alors voilà ce que dit ce texte : 1Le SEIGNEUR dit à Abram : « Pars de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir. 2Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai. Je rendrai grand ton nom. Sois en bénédiction. 3Je bénirai ceux qui te béniront, qui te bafouera je le maudirai ; en toi seront bénies toutes les famillesde la terre. »

4Abram partit comme le SEIGNEUR le lui avait dit, et Loth partit avec lui.

Ces quelques versets sont très importants, car, comme je le disais, ce sont les versets qui sont à la naissance de l’histoire des Patriarches, mais donc aussi du peuple de Dieu qui naîtra des Patriarches ; on est donc au cœur de la naissance et de l’origine du peuple hébreu ! À la racine, à la charnière… Rappelons-nous également qu’Abraham est aussi un patriarche reconnu dans le monde musulman, ce qui fait dire, rapidement, qu’Abraham est le père des trois grandes religions monothéistes… Mais cela sera peut-être le sujet un jour d’une autre prédication…

« Le SEIGNEUR dit à Abram : « Pars de ton pays ». Littéralement, le texte dit : « Va vers toi » ou « va pour toi » ! Comme une injonction à partir pour son bien, pour son bonheur. D’autres, comme Jacob, Moïse, Esaïe, et plein de prophètes entendront cet appel au départ. Mais jamais vers soi-même, cela reste une expression attachée à Abram, ce qui a fait couler beaucoup d’encre.

Ce départ pour soi, et avec soi, dit quelque chose de cette confiance qui conduit Abraham et qui en fait le père de toutes les nations de la terre. Mais la différence fondamentale avec les versets précédents, c’est que ce départ se fonde sur une promesse, et non plus seulement une obéissance… La promesse d’être une grande nation, d’être béni et d’être une bénédiction pour les autres peuples de la terre… Ainsi, par Abram, un peuple va naître et ce peuple est amené à revêtir une destinée particulière pour toutes les nations de la terre.

Ce qui est précieux dans ce texte, c’est donc cette injonction d’être béni pour être bénédiction pour les autres peuples ; dès ce début de l’histoire du peuple de Dieu, il y a une ouverture aux autres peuples, car cette bénédiction de Dieu ne reste pas l’exclusivité du peuple hébreu…

Que retenir aujourd’hui de la richesse de ce personnage ancien ? Abram reçoit la bénédiction parce que Dieu s’adresse à lui et qu’il répond à cet appel. Cinq fois la bénédiction apparaît dans ces trois versets, ce qui dit l’importance de cette parole de bien adressée à Abram. La bénédiction, c’est une certaine réalité matérielle saluée comme une bénédiction (succès, richesse, santé, longévité, etc.), mais c’est aussi et d’abord cette présence aimante de Dieu auprès de nous, son aide et son appui.

Dieu appelle Abram, et Abram lui répond. C’est le grand miracle de la rencontre, et c’est sur ce mystère de la rencontre que va se construire toute l’histoire du salut de l’humanité… Ce n’est pas rien ! Et cela rappelle d’autres rencontres déterminantes : pensons au « oui » de Marie qui accepte de porter le fils de Dieu en son sein ; pensons à Pierre, Jacques, Jean et les autres qui répondent à l’appel de Jésus et deviennent ses disciples, puis ses apôtres ; à Paul, et à tant d’autres témoins à travers les siècles…

Et cette rencontre, parce qu’Abram l’a reçue et accueillie comme un don de Dieu, cette rencontre est devenue bénédiction, et elle a traversé les âges pour arriver jusqu’à nous et nous couler littéralement dessus, car nous sommes héritiers et descendants d’Abraham…

C’est la communauté de foi qui nous unit les uns, les unes et les autres…

Je conclurai ce moment par un conte juif :

D’Adam à Abraham

Abraham aurait mérité d’être créé avant Adam, mais le Seigneur dit : Si j’avais créé Abraham avant Adam, et que le monde se corrompe, personne n’aurait pu venir pour lui apporter le salut. Je veux d’abord laisser venir Adam comme le premier homme pour que, lorsqu’il trébuchera, Abraham vienne après lui et de nouveau puisse tout réparer. Si quelqu’un a un pilier solide, où le place-t-il ? Simplement au milieu de la construction afin qu’il protège les murs placés au-dessus et en dessous de lui. C’est ce qu’a fait le Seigneur avec Abraham : il l’a placé au milieu du temps afin qu’il porte les générations avant et après lui.

Amen