Au nom de Dieu
Date : décembre 2021
Auteur : Jean-Jacques de Rham
Depuis la nuit des temps
On s’étripe gaiement
Au nom de Dieu.
On continue pourtant
En faisant toujours mieux.
Il est jamais content.
On lui a fait des églises
Pour calmer son courroux
Couroucoucou,
Des temples et des Mecque
Ou des femmes et des mecs.
L’honorent à genoux.
Parmi tous ces mordus
Ces millions de fanas
Toutes ces brebis
Y a ceux qui adorent Jésus
Ceux qui préfèrent Allah
D’autres leur canari.
Si t’es athée, sais-tu
Pour ces gars, t’es foutu.
Turlututu.
(Pierre Perret)
En novembre, Elisabeth Schenker s’est penchée sur le Nom de Dieu (Une perspective à la foi n°20) et nous invitait à (re)découvrir que le Nom de Dieu, c’est Dieu lui-même. Mais alors que dit-on quand on dit « au nom de Dieu » ?
Pierre Perret en donne une interprétation mais il y en a d’autres. La constitution fédérale dans son préambule dit : Au Nom du Dieu Tout-Puissant. D’autres constitutions cantonales reprennent la même formule (cf. VS).
Dans la Bible, on trouve un grand nombre de récits d’actions marquantes, voire dérangeantes, qui sont faites « Au nom de Dieu » : la ligature d’Isaac (Ge 22) ; la colère de Moïse en apercevant le veau d’or, qui l’amène à massacrer 3’000 de ses coreligionnaires (ex 32, 19 et ss) ; l’extermination de 450 prêtres de Baal par Élie après qu’il fût sorti exaucé d’une ordalie, ce qui ne l’empêcha pas de tomber dans un profond abattement. (1R 17 à 19) ; les décès foudroyants d’Ananias et de Saphira à la suite de la condamnation de Pierre (Ac 5).
Ces exemples nous amènent à nous poser la question : à quel Dieu croyons-nous ? Quelles représentations de Dieu nous faisons-nous ? Les récits bibliques nous donnent parfois quelques pistes pour nous permettre de donner un sens à ce qui nous semble difficile à imaginer si nous croyons à un Dieu qui serait l’expression de l’amour.
L’étude du texte de la ligature d’Isaac montre que le Dieu qui envoie Abraham sacrifier son fils n’est pas le même que celui qui l’empêche de porter la main sur son enfant. En effet, le titre du premier est Elolim alors que celui qui le retient est l’ange de YHWH (Tétragramme – Celui qui se laisse découvrir dans l’épisode du buisson ardent). En d’autres termes, Abraham n’aurait-il pas été égaré par son amour d’un Dieu imaginaire ?
Dans le récit du massacre du camp des israélites, provoqué par Moïse à la suite des événements du veau d’or, il se peut que la colère de Moïse et sa « folie » meurtrière soient la conséquence de son propre geste consistant à briser les tables de la Loi. En agissant ainsi, n’aurait-il pas coupé son lien privilégié avec le divin ?
Il en est de même avec le prophète Élie. Selon le récit, c’est de son propre chef qu’il décide d’égorger les prêtres de Baal. Cependant, la poursuite de son chemin spirituel l’amène à comprendre que Dieu n’est ni dans la force, ni dans la tempête, ni dans le chaos mais dans une douce et légère effluve.
Que faut-il en conclure ? Nos opinions, nos émotions, nos croyances, les rôles que nous assignions à la divinité sont souvent mauvais conseillers lorsqu’ils ne sont pas le fruit d’une réflexion mûrie, partagée avec d’autres dans la recherche de la justice et de la vérité et dans la prière. L’histoire de l’Évangile nous montre un Dieu qui, loin de nous condamner, ne cesse au contraire de rechercher la brebis perdue. Il le fait avec une extrême douceur en s’interdisant non seulement toute violence, mais aussi tout discours moral.