De retour de l’Assemblée du COE à Karlsruhe
Des pasteurs de l’Église protestante de Genève ont pris part, début septembre, à la 11e Assemblée générale du Conseil œcuménique des Églises (COE), à Karlsruhe. Des milliers de délégués et de participants du monde entier se sont rassemblés pour cet événement exceptionnel. Le thème choisi pour cette Assemblée était : L’amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l’unité. Les enjeux étaient, notamment, de donner la parole à des minorités, d’être un espace de dialogue (par exemple au sujet de la guerre en Ukraine) et d’aborder des enjeux plus globaux, dont la crise climatique. Témoignage d’Emma Van Dorp, Déléguée de l’EERS à Karlsruhe.
Dès l’annonce du thème de cette Assemblée générale, L’amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l’unité, j’ai eu un doute sur la question de l’amour et de la réconciliation. Il me semblait que l’on allait aborder un thème trop vague, celui de l’amour, avec un autre difficile par sa proximité avec la souffrance, celui de la réconciliation.
Durant la préassemblée jeunesse, nous avons étudié ce thème durant quatre jours intenses. Les 400 jeunes présents n’ont pas mâché leurs mots. Ils ont dénoncé le mal de la société capitaliste, le greenwashing, le manque d’actions des Églises et le mal auquel celles-ci ont participé.
Nous avons visité les blessures de nos sœurs et frères en Christ et j’ai vraiment ressenti que le désespoir vécu par les jeunes suisses est présent dans de nombreux contextes. Nous sommes toutes et tous d’accord sur deux points : que notre génération a beaucoup de blessures dues au manque relationnel entre nous et la Création de Dieu (nature et humains), et qu’il est nécessaire d’avoir plus de jeunes dans les instances décisionnelles.
Je me suis aussi demandé où se trouve cet amour du Christ dont nos représentant.e.s d’Église nous parlent tant ? Lorsqu’ils et elles sont arrivé.e.s à Karlsruhe, j’ai ressenti une forte frustration : on allégeait tout discours de blessures humaines et environnementales pour ne froisser personne.
Je sentais que l’on nous prêchait un amour inconditionnel mais que celui-ci ne se reflétait pas dans nos actions concrètes. Les représentants et les représentantes parlaient des jeunes, des personnes en situation de handicap et des peuples autochtones en annonçant leur présence… mais ils leur laissaient à peine trois minutes pour parler tandis qu’elles et eux (une forte majorité d’hommes blancs) en avaient une vingtaine.
Après quelques jours, je me suis posé la question : comment le Christ fait-il pour aimer des représentant.e.s qui prennent tant de place ? À ce moment-là, j’ai compris la phrase énoncée par Ioan Sauca, secrétaire général par intérim, au début de l’Assemblée : « Nous sommes à cette table car nous ne sommes pas d’accord ».
Depuis, ces paroles résonnent en moi. Vous, les représentant.e.s qui ont pris tant de place pour assouplir les discours sur les blessures de vos sœurs et de vos frères, je décide de vous aimer, de vous écouter et de vous accepter bien que je ne comprenne pas vos actions. Je décide de cheminer ensemble dans un amour qui renverse notre manière de penser, tel que Jésus l’a fait.
Cette Assemblée a notamment changé ma manière de comprendre l’amour du Christ. C’est un amour qui me transforme et transforme l’autre pour une unité malgré nos désaccords et une réconciliation qui prend en compte nos blessures.
Emma van Dorp