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Eglise protestante de Genève
Bible ouverte

De l’eau, du vin, des noces

Prédication du pasteur Bruno Gérard sur les Noces de Cana (Jean 2,1-12)


1 Or, le troisième jour, il y eut une noce à Cana de Galilée et la mère de Jésus était là. 

2 Jésus lui aussi fut invité à la noce ainsi que ses disciples. 

3 Comme le vin manquait, la mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » 

4 Mais Jésus lui répondit : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore venue. » 

5 Sa mère dit aux serviteurs : « Quoi qu’il vous dise, faites-le. » 

6 Il y avait là six jarres de pierre destinées aux rites juifs de purification ; elles contenaient chacune de deux à trois mesures. 

7 Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d’eau ces jarres » ; et ils les emplirent jusqu’au bord. 

8 Jésus leur dit : « Maintenant puisez et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent, 

9 et il goûta l’eau devenue vin – il ne savait pas d’où il venait, à la différence des serviteurs qui avaient puisé l’eau –, aussi il s’adresse au marié 

10 et lui dit : « Tout le monde offre d’abord le bon vin et, lorsque les convives sont gris, le moins bon ; mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! » 

11Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. 

12 Après quoi, il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples ; mais ils n’y restèrent que peu de jours.


Prédication – De l’eau, du vin, des noces

Manque d’amour
Manque de silence
Manque de fraîcheur
Manque d’activité
Manque d’eau
Manque de bienveillance
Manque de beurre pour le gâteau
Manque de joie

De triviaux à existentiels. De ponctuels à permanents. La liste des manques de nos vies peut être plus ou moins longue…

Cependant, dans cet inventaire de manque, tous n’ont pas le même statut. Il y a par exemple, des manques qui peuvent être satisfaits assez facilement. Cent grammes de beurre pour le gâteau peuvent être rapidement trouvés au commerce le plus proche ou chez un voisin bienveillant.

Un manque d’activité peut être comblé grâce à l’aide d’une tierce personne ou d’une appli de santé qui surveille le nombre de nos pas.

Un manque d’eau s’avère plus compliqué à régler, mais se range dans une problématique technique qui peut se résoudre grâce à l’ingéniosité humaine.

Un manque de silence peut aussi trouver des solutions…

Il y a tous les autres manques, plus intimes, plus profonds en nous, et souvent plus difficiles à cerner, à rassasier.

À Cana, un manque va déclencher un miracle. Il manque du vin ; ce manque pourrait être classé dans les manques que nous pourrions rapidement combler, comme envoyer les serviteurs en chercher…Ce manque, d’apparence triviale, engendre le premier signe de Jésus. Un miracle de surabondance.

La mère de Jésus, Jésus lui-même, ses disciples, sont invités à une noce, peu importe les noms, les liens. Le nouveau couple reste anonyme. En ce temps-là, les noces s’allongent sur près d’une semaine, le temps pour les convives de se réjouir avec leurs hôtes de la nouvelle union. Les festivités sont rythmées de banquets.

Mais un drame se joue en coulisse, le vin vient à manquer… Avec le risque que la pingrerie ou la négligence des hôtes soient stigmatisées pour longtemps. L’heure est grave.

Attentive, la mère de Jésus s’en aperçoit et va trouver son fils, alors qu’a priori il n’est pas en charge de l’intendance de la maison. La mère de Jésus a depuis longtemps compris que ce fils-là est bien à part. Elle joue sa partition : lui faire savoir le manque à la noce : ils n’ont pas de vin. Simple constatation avec derrière une injonction : fais quelque chose, Jésus.

Qu’est-ce qu’un fils ordinaire pourrait répondre : « Merci de l’info maman, mais je n’y peux rien. Écoute, laisse-moi célébrer avec mes amis. Je ne suis pas un débit de boisson. »

Cependant, Jésus va surprendre avec sa cinglante réponse : « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore venue. » Insolent le garçon…

Il ne faudrait pas que nos ados lisent de trop près ce texte au risque de se voir répondre à la constatation : ta chambre est un chaos … Que me veux-tu homme ? Mon heure n’est pas encore venue ! Cela laisserait papa sans voix.

La mère de Jésus, personnage central du récit, encaisse sans sourciller. Jésus est décidément un fils à part. Il répond à côté. Et sa mère n’est pas déstabilisée par cette réponse incongrue puisqu’elle demande aux serviteurs d’écouter et d’appliquer les consignes de Jésus. Elle a confiance en lui.

J’admire la mère de Jésus, car elle a une confiance absolue dans son fils. Elle est le paradigme de la croyante, sûrement la première, capable de surmonter l’animosité de son fils pour mettre en route le plan de Dieu. Nous chargeons souvent la mère de Jésus d’une imagerie traditionnelle revêtue de virginité et de sainteté. Ce décorum ne doit pas occulter qu’elle reste avant tout une femme d’action, en marche dans le plan de Dieu.

Revenons à l’insolent, au fils. L’explication de sa réponse ne tient pas à un retour de crise d’adolescence, mais à sa volonté de se distinguer de la demande immédiate de sa mère. Littéralement, Jésus répond : femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ?

Il désire singulariser la réponse miraculeuse du manque primaire de vin constaté par sa mère. Le miracle qui suit n’est en rien la conséquence de la demande de sa mère… il est le premier signe de la manifestation de la gloire de Dieu en lui.
Jésus ne veut surtout pas donner l’impression d’être un distributeur automatique de miracles, d’être à disposition :
– Jésus, ils n’ont pas de vin.
– Jésus, ils n’ont pas de pains et de poisson.
– Abracadabra…Voici du vin, des pains et des poissons.


Jésus n’est pas un faiseur de miracles à la demande ! Il n’est pas là pour combler immédiatement nos désirs et nos manques. Alors il est radical … Qu’y a-t-il de toi à moi ?

Et le miracle advient : au manque, se substituent la plénitude et l’abondance.
Les quelques 600 l d’eau des 6 jarres remplies jusqu’à la garde se transforment en vin qualifié de bon par le maître du repas. Que se passe-t-il réellement lors du miracle ? C’est un mystère. Aucune explication.

Pourtant, il y a bien miracle ; il est validé et constaté par un témoin objectif : le maître du repas dont le texte prend bien soin de nous dire qu’il n’a pas assisté à l’échange entre Jésus et sa mère, ou aux ordres de Jésus.

Le miracle de Cana signifie la plénitude d’être en Dieu. Il est le signe de la gloire de Dieu sur terre. Un signe qui apporte la plénitude de la joie. La joie, au centre de ce premier signe.

Il devait y avoir beaucoup de cas plus urgents à traiter autour de Jésus qu’un manque de vin. Il devait y avoir des aveugles à faire voir, des boiteux à redresser, des malades à guérir, avant de changer de l’eau en vin. Seulement Jésus est venu en premier lieu nous apporter la JOIE… comme à Cana.

La plénitude, la joie, souvent en défaut dans nos vies, sont pourtant les signes de la gloire. Un chemin de foi se vit dans la restauration de la joie de vivre dans la gloire de Dieu.

Gloire qui se donne dans la plénitude et dans la joie. Une gloire à laquelle tout le monde goûte. Le maître du repas, le marié et les convives se délectent du miracle, mais peu en saisissent le sens.

Il semble que seuls la mère de Jésus, les disciples et peut-être les serviteurs comprennent ce qui s’est produit.

La gloire de Dieu est pour l’instant cachée. Cela ne signifie pas que Jésus la réserve aux seuls initiés. Il ne reste que peu de jours chez lui à Capharnaüm avec sa mère et ses frères. Il faut manifester cette gloire ailleurs …

Gloire de Dieu qui se manifestera de façon définitive dans la mort et la résurrection du fils.

Beaucoup d’éléments du premier signe de Cana désigne la croix et la résurrection :

  • La précision temporelle : « trois jours après »reprend le tempo de la résurrection où le Christ revient du séjour des morts trois jours après sa crucifixion.

  • La présence de la mère de Jésus. Présente dans l’Évangile de Jean, ici à Cana et seulement au pied de la croix.

  • La phrase de Jésus – « Mon heure n’est pas encore venue » – renvoie aussi au moment où l’heure sera venue pour lui de mourir sur la croix.

La noce à Cana est un résumé de l’histoire du Salut en Dieu. Un salut qui pose la joie et la plénitude comme présupposé de sa présence en nous. Joie qui peut venir à bout de tous les manques, non par force, mais par amour.

Nous sommes convives de cette noce, de cette alliance de Dieu avec chacune et chacun d’entre nous.

Une noce de Joie. Une noce de plénitude.

Amen