«Pendant mon congé sabbatique, j’ai voulu vivre l’aventure spirituelle des pèlerins, pas à pas, très lentement et très loin. De Versoix jusqu’à Fisterra, un insondable chemin jusqu’au bout de la Terre, après Saint-Jacques-de-Compostelle, à l’océan où on brûle souliers et habits, et on y ramasse la coquille ! « El camino »… ! Une vingtaine de kilomètres par jour, avec sa maison sur le dos, presque rien et tout ce qu’il faut. C’est dur, c’est trop lourd ; accepter de lâcher, c’est dur aussi, pourtant c’est la seule manière d’avancer. Et à force de mettre ses pieds dans les pas des autres pendant des centaines de lieues, on finit par progresser, et ça tourne dans sa tête, et ça ressasse dans son cœur, et ça souffre dans son corps… Tant d’événements, d’émerveillements, de larmes… Ainsi la boue blanche du Quercy, on la dit «amoureuse» tellement elle colle! Ou les fleurs tout ordinaires du chemin, si émouvantes dans leur obstination à « faire joli ». Et la solitude le jour, et les liens tissés de gîte en gîte le soir. Et cette œuvre de la prière qui marche intérieurement en nous et avec nous… comme si le Christ lui-même marchait vraiment à côté et dedans aussi. Le psalmiste le disait il y a longtemps : Seigneur, c’est toi qui me fais savoir quel chemin mène à la Vie (Psaume 16, 11).
Pour l’avoir expérimenté, je confirme : c’est vrai. »
Isabelle Juillard
Pasteure à la retraite